“Mon nom est Zahra et je vous demande de voter pour moi”. Debout devant une foule à Laleh park à Téhéran, Zahra fait son discours de candidature à la présidentielle iranienne. Applaudie par les personnes venues l’écouter, la première femme candidate aux élections du 14 juin se pose en défenseur des droits de l’homme. Elle n’a pas attendu l’accord du Conseil des gardiens de la Constitution pour lancer sa campagne. Le hic: Zahra est un personnage de bande dessinée. Institutrice dans la capitale du pays, elle a perdu son fils Medhi lors des manifestations contre la réélection de Mahmoud Ahmadinejad en juin 2009. Zahra est le personnage principal de Zahra’s Paradise coécrit par Amir Soltani, écrivain iranien et militant pour les droits humains exilé aux USA et Khalil, artiste algérien.
“On s’est basé sur une histoire vraie. Tellement de mères ont perdu leur enfant. Lors de ces élections truquées, la diaspora iranienne a été très touchée par une vidéo sur Youtube d’une mère pleurant son fils. C’est elle Zahra” explique Khalil Bendib le dessinateur. “Aujourd’hui cette femme dont on s’est inspiré, a lancé un groupe engagé “les mères de Téhéran” en l’honneur de leur enfants morts en 2009 lors de la révolution verte.”
Extrait de la BD Dans la vraie vie Zahra n’aurait jamais pu être en lice pour la présidentielle. Les femmes n’ont pas le droit de se porter candidates en Iran pour les élections. “Sans oublier que le guide suprême désigne des candidats qui ne lui feront pas beaucoup d’ombre.” Mais ce personnage ne se laisse pas faire et utilise la campagne électorale pour poser des questions importantes. “Avec Amir Soltani on s’est demandé : et si on faisait de Zahra une vraie candidate avec un vrai discours ?“ Depuis “elle défie courageusement les autorités pour de meilleurs droits, la fin de la peine de mort et la libération des prisonniers politiques.” Zahra incarne un Iran nouveau, respectant les droits de l’homme et régi par la démocratie. Toujours étonné par le succès de cette campagne, Khalil Bendib se l’explique par “l’ironie cachée derrière : la seule vraie candidate dans cette fausse élection, est une femme virtuelle.” ” Zahra représente l’espoir” Les Iraniens peuvent la rencontrer virtuellement grâce au siteVote4Zahra. Le but de la campagne est de créer un espace pour faire entendre la voix des Iraniens. Sur sa page Facebook, plusieurs iraniens lui envoient des messages et des photos de soutien. Photo postée par une Iranienne sur le Facebook de Zahra’s Paradise Une initiative épaulée par le collectif United4Iran. “Beaucoup de soutien vient des Iraniens de l’étranger. Pour ceux habitant toujours dans le pays il est assez difficile d’avoir accès à cette campagne, même si heureusement il y en a” raconte Firuzeh Mahmoudi de l’association United4Iran. United4Iran est une association militant pour les droits humains et la démocratie en Iran.
“On fait beaucoup d’actions sur le net. En novembre on s’était réuni car on voulait faire quelque chose de symbolique en mémoire des élections de 2009. L’idée d’une campagne virtuelle nous a sauté aux yeux” explique la jeune femme. “Le but de la campagne est de se moquer du milieu politique iranien. Mais surtout c’est une façon de dire ce que le peuple iranien demande : un État démocratique avec des libertés et des droits.”
Heureuse de voir autant de votes du monde entier elle s’enthousiasme: “On remarque qu’il y a des milliers d’Iraniens qui veulent des élections libres en Iran. Il y a un autre Iran.” Cette candidature intervient alors que la présidentielle ne semble pas animer les foules. “Depuis 2009 il y a une perte d’espoir. L’Iran semble en apathie” se désole Firuzeh Mahmoudi. Le Comité des Nations Unis des droits économiques, sociaux et culturels vient de publier un rapport critiquant durement le gouvernement iranien pour ses persécutions contre les différentes ethnies et minorités religieuses, les restrictions sur l’indépendance du travail et sur la discrimination contre les femmes. Il rappelle aussi que les deux candidats d’oppositions de 2009, Mir Hossein Mousavi et Medhi Karroubi, sont toujours en état d’arrestation et sans contact avec le monde extérieur depuis février 2011. Pour Firuzeh Mahmoudi “Zahra représente l’espoir.” Et dans quatre ans ? « On ne sait pas encore ce qu’on va faire pour les prochaines élections. Mais certainement quelque chose. Il faut que les générations futures continuent de faire entendre leur voix si on veut que quelque chose de bien se passe en Iran.” En tout cas, à entendre les auteurs, Zahra n’a pas dit son dernier mot: “On est des artistes alors on utilise notre talent pour protester, et on ne va pas s’arrêter en si bon chemin avec Zahra.“ To read the original article, click here.